Un baiser qui palpite là, comme une petite bête : Gilles Paris

Publié le 1 Octobre 2021

Un baiser qui palpite là, comme une petite bête : Gilles Paris

Le monde de l‘adolescence, un monde brutal et mystérieux dont personne ne connait les règles et les enjeux mais dont il faut sortir vivant ou rescapé. Iris n’aura pas l’opportunité de suivre ce chemin sinueux et truffé d’embûche. Un viol, une descente aux enfers pour se laver de cette tragédie, une réputation salie engendre le suicide. Mais qui doit porter le poids de ce drame : des parents démissionnaires, des ados en lutte avec leur propre démon et leur rage de vaincre ou des professeurs sourds face à ces adultes en devenir ?

 

Dans ce roman, Gilles Paris donne la parole aux adolescents, à leur vision de la vie, face à leur mensonge, face à la perception de leur réalité. A l’adolescence, il faut se fondre dans la masse, devenir soit un leader adulé, un paria souffreteux ou un anonyme. Mais les réseaux sociaux avec leur lot de harcèlement, l’accès à l’alcool, aux drogues, la recherche de son identité sexuelle faussent les données et laissent les parents démunis face à la violence.

 

Le choix de Gilles Paris de pénétrer la vie privée et la vie sociale et surtout la vision qu’il en donne des ados permet de comprendre les éléments charnières de cette descente aux enfers. Chacun porte le poids de la culpabilité des évènements. Un texto, une sextape, une phrase, un regard déclenchent des ras de marée et laissent des naufragés. Chaque être donne une image faussée de ses vrais sentiments afin de demeurer dans le groupe. Peut-on décemment raconter la violence domestique pour passer pour un minable ? Peut-on afficher aujourd’hui ses choix sexuels sans heurter la sensibilité des autres ? Peut-on admettre le fait de vivre comme un vagabond alors que les autres affichent une aisance financière ?  Le débat de société exulte dans ce micro-cosmos. Les ados portent les projets ambitieux de leurs parents. Ils composent un schéma de vie où doit se combiner une image sage et conforme aux idéaux parentaux et une image idéalisée par les copains de cours de récré. La structure mentale doit être rigide pour sortir vainqueur.

 

Ne noircissons pas trop le tableau, la majorité ressort grandi de ce passage unique et chaotique. Parfois les circonstances de la vie font que l’ado peut réparer ses erreurs.

Ce roman se lit d’une traite car l’envie de comprendre chaque personnage devient absolue. Les temps changent mais ce passage entre l’enfance insouciante et l’âge de raison ne varie pas d’un iota ; il inclut de nouvelles variantes sociologiques. Il ne faudrait pas que les nouveaux parents connaissent toutes les ficelles de cette période trouble et nécessaire. Rimbaud achève admirablement ce récit emprunt de vérité absolue.

 

 

J’ai réussi à carotter de l’argent dans le portefeuille de ma mère sans qu’elle s’en aperçoive. Pas assez pour une nouvelle vie. J’ai acheté de la corde chez le quincailler. J’ai attendu la pénombre pour l’envoyer de l’autre côté de la poutre., juste au-dessus de mon lit. Je me suis rapellé mon frère qui m’avait rejointe ce soir-là à ma demande, parce que j’avais peur du noir. A cet âge, j’avais sûrement deviné qu’une nuit mon beau-père entrerait dans ma chambre sans y être invité.
J’ai eu une brève image de sa figure sur la mienne, cramoisie de désir, immonde.
Et puis j’ai cessé de penser et je me suis pendue.

C’est vrai qu’on ne pardonne rien, nous les ados. Faut dire qu’on vit dans un monde critique, ce n’est pas notre faute si ça pète de partout. Faut bien se défendre, sortir les griffes qu’on n’a pas, mordre à pleines dents, quand on n’a pas la bouche pleine de ferraille. Crier fort qu’on déteste tout, nos parents, nos profs, et qu’on en a marre de ne pas avoir le droit de conduire, ni d’acheter de l’alcool en grande surface, là où il est le moins cher. Ça coûte un bras chez l’épicier et tous nos vieux ne sont pas blindés. Moi j’ai que dalle en argent de poche. Mais je me débrouille.

Meuh non. Maman. On est des ados sages. Ni alcool, ni drogues. Et toi quand tu avais quinze ans tu faisais quoi ? Des mots croisés et du tricot ? Les générations changent, évoluent, quoi. On ne peut rien te dire, Emma et moi, parce qu’on ne fait rien de mal, enfin Emma. Elle utilise un stérilet pour ses rapports sexuels dont elle ne parle jamais. Moi, je me murge, j’aime ça, ne plus savoir où je suis. Qui je suis même. Je fume de la beuh et si un jour on me propose plus hard j’essayerai pour voir. Comme dit Mylène, on est une génération désenchantée, on est nés à la mauvaise époque, le terrorisme, le sida, les grèves, rien ne nous a été épargné. Il faut bien qu’on s’y retrouve, qu’on exulte, qu’on s’éclate. Il faut bien, comme tu dis, que jeunesse se passe. Regarde comment celle d’Iris a f

Rédigé par toujoursalapage

Publié dans #2021, #roman, #adolescence, #Gilles Paris

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