Rien ne s'oppose à la nuit : Delphine de Vigan

Publié le 17 Janvier 2012

 Y a quelqu'un qui m'a dit de lire

 

 Rien ne s'oppose à la nuit de Delphine de Vigan

 

048Fouiller dans la passé est une tache bien ardue, surtout quand il précède le décès de sa propre mère. Delphine de Vigan désire affronter l'enfance de sa mère, sa vie et sa mort. Elle n'ignore pas que de ressasser les angoisses et les joies qui composent une vie sont difficiles à retranscrire.

 Delphine de Vigan scinde son récit en trois parties. La première relate l'enfance de sa mère, Lucile, qui vit dans une famille nombreuse. Elle perd un de ses frères dans un accident. C'est encore un enfant. Cet enfant sera "remplacé" par un enfant adopté qui mettra fin à ses jours. Lucile semble vivre dans une parenthèse de paradis retrouvé; mais hélas quand Delphine creuse plus en amont, elle découvre une famille en souffrance, qui refuse de parler de la mort, de la domination d'un père que l'opinion considère comme parfait. Cet homme débute dans la publicité, connaît des revers mais arrive à donner un certain train de vie à sa famille. Ils partent régulièrement en vacances, reçoivent des personnalités, vivent entre eux, en famille, avec des amis. C'est une sorte de vase clos d'où personne ne s'échappe, à part dans sa destruction personnelle.

 Chaque enfant tente de se construire en fuyant la domination patriarcale tout en étant attiré par elle : l'ambiguïté d'une vie.

 La deuxième partie traite de la détresse de Lucile, de sa descente aux enfers, de ses chutes dans la folie devant les yeux de ses deux filles, encore enfant. Lucile dévoile des secrets bien lourds, que sa folie obscurcie. A-t-elle été violée par son père ? N'a-t-elle pas inventé cette histoire durant un délire, sous l'emprise de calmant ? Delphine et sa soeur restent anéanties face à la violence de cette mère qu'elles aiment. Le reste de la famille ferme les yeux sur ces tourments. Certaines soeurs aident leurs nièces et souffrent aussi en silence. Les grands- parents refusent la vérité qui n'est pas la leur. Dans cette atmosphère pesante, deux filles doivent évoluer, s'élever, continuer à travailler à l'école. Elles sont dans l'obligation de trouver des échappatoires à cette vie de folie pour ne pas sombrer, elles aussi. Durant cette longue période, Lucile est hospitalisée en hôpital psychiatrique plusieurs fois. Les suicides, autour d'elle, se font légion; ce qui l'entraîne dans un gouffre sans fond. Lucile se drogue, boit pour ne plus souffrir., accumule des liaisons qui la font chavirer dans sa solitude. Les sentiments de Manon (soeur de l'auteur) et Delphine envers leur mère sont difficiles à exprimer : elles l'aiment d'un amour sincère et la haïssent pour cette folie.

 Dans la troisième partie, Lucile est en rémission. Elle travaille dans un hôpital, se confronte à des malades plus démunis qu'elle. Elle semble reprendre goût à la vie. Delphine et Manon ont grandi, elles ont des enfants qu'elles confient à leur mère.

 La confiance renaît peu à peu. Les petits enfants adorent leur grand-mère fantasque. Lucile les aiment en retour comme elle n'a jamais cesser d'aimer ses filles. La maladie va replonger Lucile dans cette détresse qui aura marqué toute sa vie. Atteinte d'un cancer, fatiguée par ses années d'errance, elle mettra fin à ses jours peu de temps après la mort de sa propre mère.

 

 Ce roman autobiographique est violent et attachant. Dés les premières pages, le lecteur est baigné dans une douce enfance familiale que rien ne semble obscurcir. La mort d'un enfant, à cette époque, semble bénin mais fixe déjà les lois du silence. Cette famille n'aborde pas les sujets qui peuvent faire souffrir. Le silence devient un personnage important dans cette famille aux apparences irréprochables.

 Delphine de Vigan doute parfois de ses écrits, se remet en cause dans son besoin de trouver une réponse cohérente à la folie de sa mère, aux suicides de ses oncles ou pères de passage. Elle a besoin de se rassurer, au près de ses proches, que ce livre est un élément utile à sa reconstruction et à la solidité du lien filial.

 La mort est présente. Ce récit familial débute par la mort de sa mère et s'achève par son suicide. Le lecteur aura la sensation que la boucle doit être fermée pour que la vague de suicides s'arrête enfin.

 Ce récit est une preuve indéniable d'un amour entre une fille et sa mère, mais aussi, il faut le souligner l'amour que Lucile, cette mère pas comme les autres, portait à ses filles.

 

Voici quelques citations tirées de ce récit :

 

" Des années plus tard, sa mère raconterait cette attraction que Lucile exerçait sur les gens, ce mélange de beauté et d'absence, cette façon qu'elle avait de soutenir le regard, perdue dans ses pensée."

" Lucile est devenue cette femme fragile, d'une beauté singulière, drôle, silencieuse, souvent subversive, qui longtemps s'est tenue au bord du gouffre, sans jamais le quitter tout à fait des yeux, cette femme admirée, désirée, qui suscita les passions, cette femme meurtrie, blessée, humiliée, qui perdit tout en une journée et fit plusieurs séjours en hôpital psychiatrique, cette femme inconsolable, coupable à perpétuité, murée dans sa solitude."

" Elle ne voulait pas retourner au silence, au vide d'un corps amputé de ses sensations, retrouver dans le miroir son visage sans émoi et sans âge. Il était temps de mettre fin au cycle, à la répétition. A choisir, elle préférait mourir."

 

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Rédigé par toujoursalapage

Publié dans #Y a quelqu'un qui m'a dit...

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L
Je l'ai lu dernièrement. Un beau roman!
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