Nocturne : Algernon Charles Swinburne

Publié le 13 Août 2012

 

Swinburne-_Algernon.jpg

 

 La nuit a toujours été une fascination pour les poètes. Elle symbolise la sérénité puisqu'elle anéantit le jour trop vivace. La nuit devient un cataplasme pour atténuer les souffrances endurées durant la journée. Ses "bras" entourent l'être perdu. Le pauvre homme se glisse dans ce cocon. Il s'isole de sa douleur. L'amour est absent le jour et devient possible et réalisable la nuit.

 Le dicton affirme que "la nuit porte conseil" si elle est bonne conseillère; elle est aussi salutaire pour les âmes en perdition. Elle a le pouvoir de calmer les tensions.Elle assagit le malheureux qui la contemple et l'admire.

Ce poème chante sa douce berceuse et endort l'homme en souffrance.

 Les rimes croisées accentuent cette image d'union entre le poète et la nuit. L'image de la mère est soulignée dès la première strophe car la seule femme capable de consoler un homme en manque d'amour est une mère.

 Cette image maternelle s'oppose aux moeurs sulfureuses ou sado-masochistes de ce poète. Il choquait par ses idées de suicide, anti-religieuses...à l'époque victorienne.

 

Nocturne

 

La nuit écoute et se penche sur l'onde
Pour y cueillir rien qu'un souffle d'amour ;
Pas de lueur, pas de musique au monde,
Pas de sommeil pour moi ni de séjour.
Ô mère, ô Nuit, de ta source profonde
Verse-nous, verse enfin l'oubli du jour.

Verse l'oubli de l'angoisse et du jour ;
Chante ; ton chant assoupit l'âme et l'onde
Fais de ton sein pour mon âme un séjour,
Elle est bien lasse, ô mère, de ce monde,
Où le baiser ne veut pas dire amour,
Où l'âme aimée est moins que toi profonde.

Car toute chose aimée est moins profonde,
Ô Nuit, que toi, fille et mère du jour ;
Toi dont l'attente est le répit du monde,
Toi dont le souffle est plein de mots d'amour,
Toi dont l'haleine enfle et réprime l'onde,
Toi dont l'ombre a tout le ciel pour séjour.

La misère humble et lasse, sans séjour,
S'abrite et dort sous ton aile profonde ;
Tu fais à tous l'aumône de l'amour :
Toutes les soifs viennent boire à ton onde,
Tout ce qui pleure et se dérobe au jour,
Toutes les faims et tous les maux du monde.

Moi seul je veille et ne vois dans ce monde
Que ma douleur qui n'ait point de séjour
Où s'abriter sur ta rive profonde
Et s'endormir sous tes yeux loin du jour ;
Je vais toujours cherchant au bord de l'onde
Le sang du beau pied blessé de l'amour.

La mer est sombre où tu naquis, amour,
Pleine des pleurs et des sanglots du monde ;
On ne voit plus le gouffre où naît le jour
Luire et frémir sous ta lueur profonde ;
Mais dans les coeurs d'homme où tu fais séjour
La couleur monte et baisse comme une onde.

Envoi

Fille de l'onde et mère de l'amour,
Du haut séjour plein de ta paix profonde
Sur ce bas monde épands un peu de jour.


Rendez-vous sur Hellocoton !

Rédigé par toujoursalapage

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article