Le sermon sur la chute de Rome : Jerôme Ferrari

Publié le 5 Novembre 2013

  Y a quelqu'un qui m'a dit de lire :

 

 "Le sermon de la chute de Rome" de Jerôme Ferrari

 

 le-sermon-de-la-chute-de-Rome.jpgUn gout de Corse authentique s'étire sous l'écriture fluide et parfois déconcertante de Jérôme Ferrari. Un café, perché dans le centre de la Corse souffre de mauvaises gérances. La propriétaire subit tous les tracas de cet établissement mais elle ne peut se résigner à le vendre. Il reste l'âme du village.

 Après de nombreux déboires avec ses gérants successifs, elle accorde une dernière fois ce bar aux mains de deux étudiants qui ont abandonné leur vie estudiantine pour gouter à la vraie vie. Deux amis de toujours, Matthieu et Libero reprennent le débit de boissons pour le plus grand bonheur des riverains.

 Le bar ne peut devenir rentable que s'ils appâtent les touristes et pour cela, les filles sont un moyen sur de gagner sa vie.

 Matthieu et Libero se créent une vie qui construisent de toutes pièces. Ils deviennent leur propre maître et dominent leurs clients. Ils vivent dans une utopie qui flatte leur ego de démiurge.

 Deux histoires s'imbriquent celle d'un bar où la vie est paisible et celle d'une famille en perdition. Les angles de narration se chevauchent, entremêlant les deux histoires, car la vie ne fait qu'un. Le phrasé à la mode de "Proust" est un pur bonheur. Les idées s'allongent car le raisonnement est développé. Le lecteur reprend avec plaisir la démonstration instituée par la phrase.

 Jérôme Ferrari démontre dans son expérience littéraire que la finalité d'un monde meilleur est vouée à sa destruction. L'homme est confronté à la perte et à la destruction des mondes qu'il a édifiés.

 

 Un très joli moment de lecture !

 Certes, je conviens que la lecture tardive d'un prix Goncourt, cru 2012, marque un point en ma défaveur mais le bonheur ne réside-t-il pas dans la découverte de beau texte ?

 

 Voici quelques citations tirées du roman:

 

 "Car sur cette photo, prise pendant une journée caniculaire de l'été 1918, dans la cour de l'école où un photographe ambulant a tendu un drap blance entre deux tréteaux, Marcel contemple d'abord le spectacle de sa propre absence. Tous ceux qui vont bientôt l'entourer de leurs soins, peut-être de leur amour, sont là mais, en vérité, aucun d'entre-eux ne pense à lui et il ne manque à personne."

 

 "Il ne voyait plus en lui qu'un barbare inculte, qui se réjouissait de la fin de l'Empire parce qu'elle marquait l'avènement du monde des médiocres et des esclaves triomphants dont il faisait partie, ses sermons suintaient d'une délectation revancharde et perverse, le monde ancien des dieux et des poètes disparaissait sous ses yeux, submergé par le christianisme avec sa cohorte répugnante d'ascètes et de martyrs, et Augustin dissimulait sa jubilation sous des accents hypocrites de sagesse et de compassion, comme il est de mise avec les curés."

 

 "Chaque monde repose ainsi sur les cendres de gravité dérisoires dont dépend secrètement tout son équilibre et, tandis que Rym s'installait derrière le comptoir à la place d'Annie, Matthieu se réjouissait que la stabilité de cet équilibre n'ait finalement pas été menacée, il ne sentait pas les subtiles vibrations du sol sur lequel courait un réseau de fissures dense comme la toile d'une arraignée, il ne percevait pas la réticence craintive avec laquelle les filles s'approchaient désormais de Libero, bien qu'il fût à nouveau détendu et souriant, tout allait pour le mieux, Pierre-Emmanuel ne semblait pas s'alarmer de la disparition d'Annie, il avait appris une chanson basque pour faire plaisir à Izaskun, et Matthieu ne voyait pas les regards noirs qu'il lançait à Libero par-dessus son micro, Izaskun avouait qu'elle ne comprenait pas un mot de basque, elle avait grandi à Saragosse, elle souriait, tout allait pour le mieux, Matthieu buvait et ne se rendait compte de rien, mais comment se serait-il rendu compte de quoi que ce soit, lui qui n'arrivait toujours pas à croire que son père était mort?"



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Rédigé par toujoursalapage

Publié dans #Y a quelqu'un qui m'a dit...

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