La robe, une odyssée : Catherine Le Goff
Publié le 17 Janvier 2021
Bienvenue dans une épopée où l’héroïne principale ne serait qu’un bout d’étoffe si elle n’était pas passée dans les mains expertes en couture de « Monsieur ». Cette robe noire magnifique traverse les années, les vies de femme tantôt faibles, amochées par l’existence, tantôt courageuses et rageuses dans le bon sens du terme. Cette pièce de collection lie et délie des existences.
Catherine Le Goff raconte la Grande Histoire par le biais d’un objet fétiche qui se trouve malmené par les petites histoires qui en feront des grandes. Elle sera portée par des bourgeoises, une juive déportée, une petite nièce allemande, une cantatrice, une chanteuse de Jazz. Elle voyage sur tous les continents. Les déchirures scandent son épopée comme elles marquent les femmes de l’ombre.
L’idée d’utiliser un objet porté sur la peau apporte une dimension plus humaine à cette association. La lecture reste fluide. Un lien unit ces destins de femme et quel plus bel objet peu transmettre cette union qu’une robe !
Paul redescendit et travailla seul à la boutique jusqu’au soir. Il ignorait que depuis le matin, tout l’esprit de sa mère s’était fixé sur la robe de la Darmentière. Elle l’avait décrochée, l’avait cent fois tournée, retournée, obsédée par une idée devenue évidente, la robe de la vitrine de sa boutique était encore à mille lieues de la perfection de son larcin. Elle s’était menti toutes ces années, approchant de ce qu’elle avait sous les yeux sans jamais égaler celui qui l’avait créée, un maître. Elle demeura des heures la main passant sur la doublure, puis sur l’endroit. Il n’y avait aucune violence à l’intérieur d’elle, seulement l’effondrement...
La robe de la tante Gerta avait gagné le fond de l’armoire. La voir était bien trop dur pour Jana, ça lui rappelait instantanément la voix de son défunt mari et réactivait le manque. Si elle avait pu parler, la robe lui aurait dit qu’elle en avait connu des séparations au cours de son odyssée depuis 1900. « Monsieur », son créateur, Madame Darmentière, Jeanne, Paul puis Ruth et Sarah Bestien, enfin Gerta...Mais le vêtement muet pendait dans le meuble, spectateur des larmes de sa propriétaire qui enfin se mettaient à couler à flots.
Un vêtement a joué un rôle très important à deux moments de ma vie, ça m’a amenée à me poser des questions sur le sens de l’objet. Parfois, nous traversons notre existence et un objet nous accompagne avec sa propre histoire, il entre, il repart...Quand il revient vers nous, il est chargé d’un passé avec sa part de mystère. Pour un vêtement, c’est encore plus étrange, je trouve, il touche le corps.