Laisse tomber les filles : Gérard de Cortanze
Publié le 5 Février 2018
Chaque génération doit s'émanciper de la précédente en inventant de nouveaux codes. Les "croulants", "les Has been" (termes péjoratifs visant les personnes plus âgées) sont exclus de cette jeunesse qu'elle ne comprend plus.
Gérard de Cortanze aborde le conflit de générations sur le mode Yé-yé. Il plonge le lecteur dans cette société en mouvement qui refuse les dictats des parents dominateurs. La jeunesse cherche ses marques par une nouvelle musique (qui horripile les parents), de nouveaux avis politiques (opposition à la guerre du Vietnam) et surtout les nouvelles moeurs (la femme s'émancipe).
Une bande de copains unie devant l'adversité parentale s'ouvre au monde à travers ses doutes, ses conflits, ses amours parfois douloureux. Le monde évolue et ils veulent en profiter un maximum quitte à s'oublier, à se tromper de combat mais participer à cet effort qui fera d'eux des hommes. Malgré une sorte de désinvolture, la jeunesse pense à son avenir.
A travers ce roman, Gérard de Cortanze dépeint un pan de la société et confirme que ce conflit reste lattant dans notre société moderne. Les conflits générationnels cimentent le monde et permettent son évolution.
Alors que Johnny Hallyday entame une dernière chanson, Elle est terrible, Lorenzo croise le regard d'une jeune fille dont il ne voyait jusqu'alors que la nuque. Qui ne semblait danser que pour elle-même. Et qui s'est retournée, sans intention particulière , "Hé, regarde un peu, celle qui vient, c'est la plus belle de tout l'quartier..." Simplement parce que tout le monde danse, avance, recule, virevolte. Toujours bousculé. Toujours au bord du malaise ou de la chute. Merveilleusement en proie à un équilibre précaire. "Et mon plus grand désir c'est d'lui parler, elle aguiche mes amis, même les plus petits, pourtant pour elle j'ai pas l'impression d'exister..." La jeune fille sourit à Lorenzo. Des lèvres boudeuses. Un visage rond tout juste sorti de l'enfance. Grands yeux marron. Des cheveux châtains coupés court- à peine plus longs que ceux de Jean Seberg dans A bout de souffle, pense Lorenzo le cinéphile. Elle porte une petite robe bleue très légère, mousseuse, qui épouse ses formes naissantes à chaque déhanchement - celle de Sylvie Vartan dans la réclame du spray laque Miss Helen. "Mais tout ceci ne m'empêche pas de penser :"Cette fille-là, mon vieux, elle est terrible!"..."
- On appartient à une génération d'un côté préoccupée par des sujets de plus en plus graves et sérieux - la liberté sexuelle, la contraception, la politique, le social-, mais de l'autre enfermée dans un carcan par des règles sociales devenues étriquées.
Du bateau qui s'éloigne monte une chanson :
Douce violence de nos jeunes amours
Tendre insouciance de nos premiers beaux jours
Quand le temps nous fait face au ciel de nos seize ans
C'est notre enfance qui meurt doucement...